Tel un patineur immobile sur le lac dur et souple de mon corps, tu t’es posée, ton sexe aux aguets, cherchant peut-être la direction où s’élancer, laissant entrevoir sa fierté de héros ; se tenant prêt aux glissades et au tournis de l’envol. Je me sentais immense et minuscule, petite île logée en plein cœur de l’Univers et en même temps l’Univers lui-même, qui allait t’englober tout en redevenant petite île. Je me sentais illimitée et restreinte, belle et hideuse, jeune et centenaire, femme et homme ; on eût dit que je me métamorphosais avec toi sur moi, qui commençais à glisser doucement sur mon pubis, ta chaleur inondant la mienne pour ne former qu’une seule atmosphère incandescente.

Soudain je m’y enflammai. Mon lac devint eaux tropicales où la végétation luxuriante se mit à s’enrouler autour de tes hanches, tes jambes en mouvement, tes cuisses fermes. Mon ventre devint un port, ou peut-être un creux dans le paysage mouvant et foisonnant qui se mêlait à présent à nos souffles. Dans ce creux tu patinais, tu t’élançais d’avant en arrière, tu créais la danse, le mouvement du plaisir. Je m’étonnai qu’il fût finalement restreint dans ce minuscule port, ou creux, qu’offrait cette terre bouillante et bouillonnante du désir de naître, de former peut-être un continent.

Le temps que je m’interroge, et ma main soudain écarta les grandes lèvres de ton sexe ; écarta aussi les miennes. Nos chairs s’épousèrent. Le patineur s’immobilisa un instant ; le lac devint océan, et l’océan nous avala. Nous fûmes d’abord deux vagues, puis une seule, puissante et gorgée d’écume folle, foisonnante de nos plaisirs conjugués. Je crus m’évanouir tant l’union de ton corps au mien se déroula si haut dans les strates de l’illimité, de l’infini glorieux. Toi mon héros tu jetas ton regard dans le mien ; j’étais à toi, tu venais. Emplie de Nous tu repris tes glissades de patineur, tu quittais l’immobilité, tu t’élançais cette fois, oui je te vis partir, t’essouffler, multiplier les figures libres, sourire en réussissant un salto, dire C’est bon, me pétrir le cou, me mordiller la nuque, t’élancer toujours, patiner tel un dieu sorti de sa statue de pierre, libre de jouir.

Mes mains englobaient tes fesses ; le lac se durcit pour que tes patins glissent plus aisément jusqu’à franchir la voûte céleste, atterrir dans la Beauté originelle, y jouir.

J’aperçus le monde devenir poudre, et moi devenir galaxie. Nous fûmes aspirées sans peur. Ton cri me fit naître.