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Coup de chapeau à : Sabrina Palumbo

« J’ai été finaliste aux championnats de France d’athlétisme en catégorie cadette. Je visais le podium l’année d’après et je voulais faire carrière dans le sport », explique Sabrina Palumbo. Mais l’enfer de l’anorexie s’est présenté et elle s’y est engouffrée. Deuxième invitée de la nouvelle rubrique du blog réservée aux femmes de courage, Sabrina nous raconte son parcours pour en sortir.

Celles et ceux qui connaissent un peu ma bibliographie savent que je me suis intéressée de près à l’anorexie, ayant publié en 2018 un petit ouvrage passé inaperçu : Kilogramme Zéro (5 Sens éditions).

Le contact avec Sabrina Palumbo, rencontrée sur Twitter, s’est donc créé comme une évidence, et elle a eu l’extrême gentillesse de m’offrir les ouvrages qu’elle a publiés sur ce sujet – notamment L’âme en éveil, le corps en sursis (éd. Quintessence), qui m’a fait forte impression.

L’anorexie ne regroupe pas une sorte de population homogène permettant d’identifier clairement des causes à cette maladie et d’entrevoir un espoir de traitement.

Les « profils » peuvent offrir des caractéristiques très disparates, et si, dans nombre de cas, un régime alimentaire trop strict en a constitué l’élément déclencheur, ce n’est que l’aspect visible de l’iceberg. Car tout se joue dans la partie immergée, aux variations et formes infinies.
Chaque parcours est « unique », la maladie étant « vécue différemment » par chaque personne qui en est atteinte.

Quand on vise la condition d’athlète de haut niveau, certaines phrases ne tombent pas dans l’oreille d’une sourde, comme : « Si tu ne donnes pas de graisse à ton corps tu n’en fabriques pas » ; ou encore cette remarque de l’entraîneur de Sabrina à son père : « Elle est sponsorisée par Nutella® ? » – « humiliation suivie d’une bonne claque sur les fesses », histoire de bien fournir de l’engrais à la maladie pour qu’elle étende plus vite sa toxicité.

Photo : ©RoffinellaMartine.

L’itinéraire de Sabrina Palumbo, finaliste aux championnats de France d’athtlétisme et « tombant » dans l’anorexie après avoir voulu « améliorer ses performances sportives » en maigrissant – elle sera sauvée in extremis, alors qu’elle ne pèse plus que 27 kilos –, est à mon sens riche d’enseignements : c’est pourquoi j’ai souhaité lui décerner ici un « Coup de chapeau » bien mérité.

À celles et ceux qui redoutent d’avoir à subir un énième récit où le pathos est de bon aloi, je dis tout de suite que ce n’est ni le style ni le tempérament de Sabrina Palumbo, qui est une « battante », une femme de courage peu habituée à se plaindre et dont le but, en publiant son histoire, est d’apporter des éléments d’aide – de transmettre ce qu’elle a appris de l’anorexie et de la boulimie, afin que cette expérience puisse servir à d’autres.

Certaines vérités sont également énoncées, qui sont glaçantes à lire mais dont il faut avoir conscience si l’on veut être mieux à l’écoute de personnes atteintes de maladies trop souvent encore considérées comme « honteuses », car soi-disant guérissables par la seule volonté, s’agissant de nourriture pas assez ou trop absorbée. Bien sûr il n’en est rien – et je vous recommande vraiment de lire le témoignage ci-après.
Ne serait-ce que pour engranger quelques grammes d’âme en plus. Extrait, p. 115 :

J’ai longtemps conservé un corps d’anorexique malgré mes crises de boulimie. Mais le mental anorexique était là, avant les manifestations physiques. Il est malheureux de constater qu’on s’intéresse aux anorexiques seulement lorsqu’elles sont dans un état avancé de maigreur. Toute la souffrance présente en amont, que doit-on en faire, à qui doit-on en parler ? Plus encore, que dire des personnes dont les TCA [Troubles du Comportement Alimentaire] n’impactent pas l’apparence corporelle ? Ces personnes souffrent tout autant. On oppose souvent la fierté anorexique à la honte et à la culpabilité de la grosse vache boulimique. Mais au fond, le danger n’est-il pas le même ? Ne s’agit-il pas d’une même souffrance, d’une même incapacité à vivre, d’un même appel au secours ? 


« Ce qui a motivé mon désir d’écrire,
c’est surtout l’envie de donner de l’espoir »

©CélineLéaS.

Il y a des rencontres qui bouleversent. Des rencontres qui font grandir. Des rencontres d’âmes dont on se souvient longtemps.
Ma rencontre avec Martine Roffinella s’est faite en ligne. Peut-être aurai-je la chance de la rencontrer un jour dans la vraie vie, mais en attendant j’ai découvert une partie de son itinéraire en lisant plusieurs de ses livres.
Je suis honorée d’être invitée ici et de pouvoir partager un bout de mon histoire avec les lecteurs du blog.

« Écrire est une chose. Témoigner de son vécu de la maladie,
une maladie psy qui plus est, en est une autre… »

J’ai témoigné de mon expérience de l’anorexie-boulimie dans un livre : L’âme en éveil, le corps en sursis (éd. Quintessence, 2014).
En parallèle, j’ai créé une association d’aide pour les personnes concernées par les troubles du comportement alimentaire (TCA), les patients et leurs familles.

Cette démarche d’entraide et de témoignage à visage découvert n’est pas simple. Il faut avoir conscience, par exemple, des possibles répercussions sur sa vie. Pour moi, elles se sont avérées plutôt positives malgré un parcours semé d’embûches, disons-le.

L’idée d’écrire m’est venue au cours d’un long séjour forcé en hôpital psychiatrique.

Je discutais avec celui que j’appelle mon « ange infirmier ». Celui-ci m’a demandé ce que j’aimerais faire une fois sortie d’affaire. Je lui ai répondu que je voulais aider et… pourquoi pas écrire ! J’ai gardé cette idée dans un coin de ma tête.

Après l’épisode marquant de l’hospitalisation forcée, j’ai erré. Je souffrais toujours d’anorexie et j’étais en profonde dépression. Je n’avais pas la tête à l’écriture…

Photo : ©RoffinellaMartine.

« Jai écrit sans savoir si je serais publiée un jour. »

Je suis une personne déterminée. Plutôt « fonceuse » à la base. Je n’abandonne pas facilement.
Tous ces traits de personnalité, je les ai mis au service de mon rétablissement.
Après tout, nous ne sommes ni coupables ni responsables de la maladie ; nous sommes en revanche responsables de notre processus de rétablissement.

J’ai donc capitalisé sur mes ressources et, forte d’un travail sur moi-même et sur mes valeurs, j’ai déployé la même énergie pour me rétablir puis me guérir que celle utilisée pour me détruire. C’est cette longue reconstruction que je raconte dans mon livre.

Bien que plutôt littéraire, je ne suis pas une écrivaine « pur jus », et puis le manque de confiance en moi était encore bien présent lorsque j’ai ressenti l’appel de la plume.
En d’autres termes, je ne me croyais pas capable d’écrire un livre.

Un ami auteur m’a reçue chez lui et donné des conseils de bon sens. Il a planté en moi une petite « graine de confiance » qui m’a permis de dépasser ma peur de l’échec. Cet ami fait partie des rencontres marquantes dont je parlerai plus tard.

J’ai alors écrit sans savoir si je serais publiée un jour. Pour l’anecdote, mon premier livre a failli ne jamais paraître, car l’éditeur avec lequel j’avais signé m’a lâchée. J’y ai gagné au change.

« Pour moi, limportant dans lécriture, cest la conscience quon en retire. »

L’écriture peut être thérapeutique, et elle l’a certainement été en ce qui me concerne, mais ce qui a motivé mon désir d’écrire, c’est surtout l’envie de donner de l’espoir.
Je sais d’ailleurs par expérience combien les personnes touchées par la maladie en ont besoin. Tout comme les proches, qui sont souvent démunis !
J’avais à cœur de dire et de montrer aux autres « Sabrina » qu’on s’en sort.

©SabrinaPalumbo.

S’il faut alerter sur la dangerosité et sur les ravages causés par les troubles alimentaires, il est également important d’expliquer que l’on peut en guérir puis s’épanouir.

Je suis encore parfois surprise de constater la puissance du témoignage…
Mon livre relate un parcours difficile, ponctué d’expériences traumatisantes, mais en faisant tout pour éviter l’écueil du pathos.
J’ai voulu axer le récit sur ma reconstruction (ma « renaissance ») et mon Éveil, avec des « clés » de spiritualité données en filigrane.
L’aspect biographique pur est volontairement parcellaire, car il me paraît plus important d’expliquer comment on s’en sort que de livrer tous les détails de ma vie et de mes traumas…

J’ai été finaliste aux championnats de France d’athlétisme en catégorie cadette. Je visais le podium l’année d’après et je voulais faire carrière dans le sport.
C’est un régime qui m’a fait plonger dans la spirale de l’anorexie, mais cela n’explique pas tout : je rappelle qu’il faut une combinaison de facteurs pour que la maladie s’installe. Néanmoins, c’est par un régime que l’enfer a commencé, pour moi comme pour beaucoup d’adolescentes, malheureusement.

« Ma démarche est sincère et authentique. »

Pratiquant la pair-aidance depuis de nombreuses années, je m’investis de manière bénévole et marraine les assocations Solidarité Anorexie Boulimie (dont les références sont indiquées ci-après).
J’ai fait du chemin depuis la sortie de mon premier ouvrage !

©SabrinaPalumbo.

Aujourd’hui, je suis complètement guérie et j’accompagne à mon tour des personnes ayant des difficultés relationnelles ou pathologiques à la nourriture.
Ayant constaté les limites de l’associatif et parallèlement pris conscience de ma valeur et de mes compétences, j’ai décidé de me lancer dans le coaching.
Même si je demande parfois une somme symbolique aux consultants, c’est important de poser un cadre.

L’écriture n’est pas une activité rémunératrice, mais les retours positifs des lecteurs et le plaisir que j’ai à partager m’apportent bien davantage. Et puis il est essentiel pour moi d’apporter une modeste contribution pour une meilleure appréhension des troubles.

Mon deuxième ouvrage est complémentaire à mon livre témoignage : je donne des pistes pour guérir et aborde des notions transverses aux maladies « psys ».

J’ai plusieurs casquettes et elles sont toutes importantes pour moi. Lorsque c’est la professionnelle qui parle je laisse toujours la possibilité à « l’ancienne malade » de témoigner. Le savoir expérientiel est tellement précieux.

« C’est peut-être ça, la guérison ?
Trouver sa place. Prendre sa place !
»

Où j’en suis ?
Je vais sur mes 39 ans.
Mariée récemment, je suis maman de deux petites filles adorables.

©SabrinaPalumbo.

Je travaille à temps partiel au sein d’un dispositif ACT (Appartements de Coordination Thérapeutique – « Un Chez-Soi d’abord, Paris), où j’interviens auprès de personnes en situation de précarité avec troubles psychiques et addictions.
À côté de ça je continue de me former pour améliorer ma pratique du coaching que j’exerce en libérale et j’ai aussi d’autres projets d’écriture en cours.

J’ai trouvé mon équilibre et surtout je me suis trouvée.
C’est peut-être ça, la guérison ? Trouver sa place. Prendre sa place !
N’oublions pas que l’anorexie ressemble souvent à une quête existentielle…
Guérir, c’est aussi se sentir utile, et c’est le sentiment que j’ai à présent. J’aime varier mes activités. Je bouillonne d’idées et souhaite continuer de proposer de nouvelles choses.

Mon deuxième livre, paru en 2017.

« Il s’agissait de dépasser la souffrance et de la rendre utile à d’autres. »

En ce sens, j’ai trouvé ma mission de vie et je suis contente d’avoir réussi à faire quelque chose de mon vécu.
L’anorexie a littéralement « bouffé » 15 ans de mon existence et je suis marquée au fer rouge par mon expérience désastreuse à l’hôpital psychiatrique.
C’était vital pour moi de donner un sens à tout cela. Le sens est un élément essentiel du chemin de guérison.

L’anorexie n’a rien d’un caprice, on imagine mal le niveau d’accumulation de souffrance qui conduit à « arrêter » de manger ou à « se gaver » à outrance…
Les personnes malades ont besoin de modèles d’identification positive ; par conséquent j’essaie d’avoir un mode de vie et le respect de moi-même qu’il faut pour être une source d’inspiration, en étant consciente de mes forces comme de mes fragilités.

J’ai appris au fil du temps l’importance d’être bien entouré·e. L’être humain n’est pas fait pour vivre seul. Nous sommes interdépendants et les rencontres que nous faisons nous permettent de grandir. Parfois dans la douleur, certes… Mais même des « mauvaises » rencontres (expériences !) nous pouvons tirer des enseignements.

J’ai la chance d’avoir côtoyé beaucoup de belles âmes qui m’ont aidée à trouver ma voie. Je suis très reconnaissante pour tout ce qu’elles m’ont appris et donné. J’aimerais toutes les citer et les remercier, mais la liste serait trop longue, je crois !
C’est grâce à elles qu’il m’a été possible de devenir celle que je suis aujourd’hui : une femme heureuse et décidée à vivre encore plein de belles choses sur fond d’entraide, d’amitiés et de solidarité.

C’est ce que je me souhaite et ce je vous souhaite de tout cœur…

L’âme en éveil, le corps en sursis – Combat d’une anorexique pour sa renaissance, par Sabrina Palumbo, préface du Pr Michel Lejoyeux, aux éditions Quintessence, 17 euros.

editions-quintessence.eu/l-ame-en-eveil-le-corps-en-sursis

Troubles alimentaires – Mieux comprendre pour mieux guérir, par Sabrina Palumbo, préface d’Alain Perroud, aux éditions La Providence, 15 euros.

editionsfortuna.net/troubles-alimentaires

Adresses utiles :

Association Solidarité Anorexie-Boulimie : solidarite-anorexie.fr
Site d’information sur la santé mentale : psycom.org

Retrouvez Sabrina Palumbo :

Sur Facebook (page auteure)
Sur Twitter : @sabpalumbo
Sur LinkedIn
Site : https://corps-et-ame-en-eveil.com/ (en cours de refonte)

 

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3 commentaires sur “Coup de chapeau à : Sabrina Palumbo”

  1. Merci pour votre énergie et vos bonnes ondes ! Lire cette interview me donne la pêche. Effectivement, pas de pathos mais de la force, du dynamisme pour abattre les murs et décloisonner !
    Salutaire dans l’absolu et bienvenue en temps de confinement !
    Merci Martine pour cette découverte et merci Sabrina pour cette inspiration.

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