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Les éditions du Folazil proposent un « accueil des limites » où un « je éveille d’autres je »

C’est grâce au réseau social Twitter, pourtant si souvent accusé de véhiculer toutes sortes de violences, que j’ai découvert les éditions de poésie du Folazil, et notamment la collection d’entretiens « Tables de chevet ». Rencontre avec la présidente Marie-Philippe Deloche.

Lorsque Philippe Bouret (psychanalyste, poète, dessinateur et vice-président du Comité des Écrivains pour la Paix au Directoire du PEN Club français), connu sur Twitter puis également suivi sur Facebook, me proposa de lire : La poésie est un art déchirant, publié durant l’été 2019 aux éditions du Folazil, je sus que je ferais une grande découverte à plusieurs titres.

C’est avec admiration et émerveillement que je lus ce très beau texte, qui a pour socle le dernier documentaire réalisé par l’écrivaine, cinéaste et journaliste Chochana Boukhobza : Terezin, l’imposture nazie.

Le livre, qui porte le sous-titre : « Philippe Bouret s’entretient avec Chochana Boukhobza », est édité dans une collection dédiée aux « entretiens menés avec des artistes au sujet de leur acte de création », et qui se nomme délicieusement : « Tables de chevet ».

Pour décrire cette nouvelle collection, la présidente du Folazil, Marie-Philippe Deloche, évoque « l’encontre sans la répétition du préfixe de la rencontre », et invite à nous tenir, « secrétaires de la seule beauté qui vaille, celle que soutient le désir », au « chevet de la table des écritures ».

J’eus aussitôt l’envie de lui demander de nous en dire plus sur cette si étonnante maison d’édition, et elle a accepté mon invitation.

Entretien avec le Docteur Marie-Philippe Deloche, médecin psychiatre, poète, et présidente de la maison du Folazil

Quand et pourquoi la maison d’édition du Folazil a-t-elle été créée ?

Elle a vu le jour en décembre 2017, à Grenoble, et à mon initiative.

Accueillir la poésie des patients psychiatriques, au long cours, dans un atelier à l’hôpital, aura constitué la première étape intuitive de ce projet.

La deuxième étape aura été de «  sortir » les patients et leurs œuvres dans un lieu extérieur à l’hôpital.

Il manquait encore une troisième étape : les publier – de manière à ce que leurs paroles et leurs écrits magistraux sortent de l’isolement protecteur qu’offre l’hôpital, pour aller dans le monde et dans la Cité, se risquer à la rencontre de lecteurs.

Nous avons pu, de surcroît, mesurer l’effet thérapeutique que la prise de responsabilité procure, et le génie artistique de personnes qui étaient ignorées de tous.

Le Folazil est ainsi constitué de poètes qui ont de la notoriété, ou qui sont encore inconnus, et de personnes du milieu psychiatrique : psychiatres, psychanalystes, soignants, engagés dans la dimension culturelle et langagière de cette spécialité, qui, du fait de l’orientation contemporaine exclusivement technique, ont pensé nécessaire d’y adjoindre  des suppléances.

Folazil est une maison dédiée à la poésie. Raisons de ce choix ?

La ligne éditoriale est celle de la « Poésie-art-brut ».
Nous proposons des recueils collectifs et/ou individuels où circulent voix et paroles pour l’habiter.

Une salle des pas perdus, où des  lecteurs tendent l’oreille pour qu’adviennent des moments poétiques qui nous surprennent.

L’homme des traces, le poète, y déambule, cherchant commune présence, un même sans bord.

Appuyé à la porte du Réel, là où se rencontrent dehors et dedans, le poète écrit ses mots sans bouche pour qu’ils trouvent leur issue, leur forme audible.
Ceux-ci, libérés, sortent alors et s’en vont sur les chemins.

Chemins de la douleur, de la colère, des séparations, de l’exil, du bel exil, en avant de chaque homme qui attend des lettres amoureuses, en retour.

Mais qu’est-ce que cette poésie des chemins ?

Elle sait bien ce qui nous manque et tente de le rejoindre, en vain, sans se lasser.
Elle sait aussi ce qui nous relie, nous étonne, révèle qu’aujourd’hui disparaît, que la vie nous déplace toujours quand elle est vie.
Elle sait qu’il faut parfois  rabattre les voiles sous des vents trop puissants, chercher le havre, le bon port, la maison, le fol asile.

Quel est donc ce « Folazil » ?

C’est un lieu où s’articulent clinique et esthétique, au travers de la poésie. Un nouage possible entre un Réel parfois très difficile (et qui le reste, le symptôme) et une expression singulière, adressée.

Le discours poétique est une possibilité de parole autre. Pas besoin de faire semblant d’aller bien en empruntant le discours normé, normal, rationnel, comptable, mais pas besoin d’aller mal non plus pour trouver à exprimer son intime et l’adresser.

Accueil des limites, limites de l’accueil, un lieu d’accueil à la limite, sur ce bord qu’il faut connaître pour le rendre habitable à chacun.

Pas de désir de « guérir », de part et d’autre de la rencontre, mais un réel soulagement quand arrive, de surcroît, un gain d’espace.
Et la maison du Folazil s’agrandit d’espaces intérieurs démultipliés.
Survient alors, dans un tempo différent pour chacun, une possibilité d’écoute, d’écoute vraie, débarrassée de l’idée de répondre quelque chose à tout prix, de renchérir, une écoute qui s’appuie sur ce savoir découvert, que le manque et la solitude ne sont plus drames d’exception, mais la condition de chaque homme.

Un «  je » éveille d’autres «  je », et dans la confiance mutuelle, chacun invente son chemin et sa langue, un chemin qui va devant soi.

Il s’agit donc d’une maison d’où l’on part, une maison pour en partir, une maison à partir de
laquelle on est assuré pour partir…
Ainsi se lit le vers de Yeats : « Home is where we are going from. »
Encore faut-il l’avoir trouvée, constituée, cette maison, ce home, sa propre langue poétique.

©Jean-Jacques Fuster

Les parutions et activités

Nous avons publié cinq recueils de poésie, collectifs : « Voix publique / Voix privée ; Les petits sujets de l’exil ; Et la nuit passera sans pouvoir nous réduire ; Pas l’un sans l’autre et Pâtes-alphabet, ainsi qu’un recueil d’entretiens au sujet de la création poétique.

Nous nous réunissons une fois par mois pour partager nos travaux.

Nous participons aux nombreuses manifestations de la Cité dès qu’il s’agit de poésie, Le Printemps des poètes, par exemple, ou à des colloques où les questions de la littérature et de la clinique sont élaborées.

Nous projetons trois recueils en construction et plusieurs entretiens avec des artistes.

La poésie est un art déchirant – Philippe Bouret s’entretient avec Chochana Boukhobza, éditions de poésie du Folazil, collection « Tables de chevet », 8 euros.

Retrouvez Philippe Bouret :
Sur Facebook

Sur Twitter : @BouretPhilippe

Pour découvrir les éditions du Folazil et se procurer leurs ouvrages :
Éditions du Folazil : 7 rue de la Poste 38000 Grenoble
folasile@gmail.com
06 75 69 42 15

Un site est en préparation…

Page Facebook de Folazil

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1 commentaire pour “Les éditions du Folazil proposent un « accueil des limites » où un « je éveille d’autres je »”

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