J’entends ici ou là qu’écrire c’est ceci ou cela – c’est censé « réparer le monde » (diable !) ou « soigner », « rendre meilleur/e » (dieu !) : mieux qu’une ordonnance médicale et moins cher qu’une thérapie. Écrire, selon certains, c’est ouvrir un droit d’accès direct à l’eau bénite et au confessionnal réunis, avec à la clé le « bien-être » promis par l’absolution. Ah ! j’oubliais l’hostie magique : la sacro-sainte « résilience ». Écrire, donc, ça sert à devenir « résilient/e » ; diable pactise avec dieu au royaume des avaleurs de couleuvres.
Chacun voit midi à sa porte, mais à la mienne (de porte) il est toujours minuit et on ne vient pas y frapper en quête de « soins ». À moi la littérature doit être au minimum une grande marée. Faut que ça secoue. Je veux de la fièvre, de la sueur, des angoisses en pagaille et des terreurs massives. J’espère l’inconnu glaçant, le tonnerre de grêle, la submersion – le tremblement qui me fiche par terre. Je veux des cris et du désespoir, de l’impuissance et des combats impossibles. Je veux du souffle coupé, de la colère à tous crins – des vêtements arrachés et du désir incendié. Je veux du saccage et des larmes, de l’attente et de la frustration, du cœur qui éclate à mort. J’attends du remue-ménage, qu’il soit de feu ou de glace.
Rien pour « réparer le monde », mais au contraire tout pour s’y fracasser : y mentir vrai peut-être ; dangereusement.
Martine Roffinella
MES JOURS – Sous le pavé la plume.
Ah! Mon dieu! Quelqu’un qui déteste aussi ce mot : résilience!
« Aujourd’hui, je vous parle, debout sur mon silence. » Jean Cayrol (poète et aussi un éditeur comme on n’en fait plus)