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Jared Diamond guide de survie

Alors que l’exploration de la planète Mars fait rêver l’humanité pour des raisons scientifiques comme exotiques, Jared Diamond nous offre un panorama sidérant de nos sociétés disparues et/ou sur le point de s’éteindre. Lire Effondrement, c’est prendre nos responsabilités ici-bas.

Le sous-titre d’Effondrement : « Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie », est à lui seul éclairant sur ce qui nous attend avec les plus de 800 pages de ce brillant essai où tout nous concerne.

Premièrement, réfléchir à ce constat que « toute colonisation humaine a toujours été suivie d’une vague d’extinction des grands animaux qui n’avaient pas développé la peur de l’humain et qu’il était facile de tuer, ou qui n’ont pas survécu à des modifications dans l’habitat, à l’introduction d’espèces nuisibles et aux maladies liées à l’arrivée de l’homme ».

Ensuite, comprendre que les sociétés victimes d’effondrement ont elles-mêmes causé leur perte en détruisant les ressources dont dépendait leur survie.
Diamond cite le terme de « suicide écologique » – « écocide ».
Les principaux processus de destruction de l’environnement ayant débouché sur la perte de ces peuples sont les suivants : « La déforestation et la restructuration de l’habitat ; les problèmes liés au sol (érosion, salinisation, perte de fertilité) ; la gestion de l’eau ; la chasse excessive ; la pêche excessive ; les conséquences de l’introduction d’espèces allogènes parmi les espèces autochtones ; la croissance démographique et l’augmentation de l’impact humain par habitant. »
À noter que les conséquences de l’écocide sont les mêmes pour toutes les sociétés qui se sont effondrées : « Pénuries alimentaires, famines, guerres éclatant entre des individus trop nombreux se battant pour des ressources insuffisantes » et – lisez bien (qui ne pensera pas à la crise des Gilets Jaunes ?) : « renversement des élites dirigeantes par des masses désillusionnées ».

Mais ce que Jared Diamond met au jour, c’est qu’il n’existe aucun cas d’effondrement imputable aux seuls problèmes écologiques.
Il dénombre au total cinq facteurs entrant en ligne de compte : 1) les dommages environnementaux ; 2) le changement climatique ; 3) les voisins hostiles ; 4) les partenaires commerciaux amicaux (la dépendance qu’ils induisent) ; 5) les réponses apportées aux problèmes environnementaux.
Pour étayer son raisonnement – et l’immense travail qu’il propose est une aventure aussi nécessaire qu’inouïe –, Diamond traite autant de sociétés disparues (île de Pâques, Indiens mimbres et anasazis, Incas, Vikings du Groenland, etc.) que de celles actuellement en situation difficile (Rwanda, Haïti, Chine, Australie, Montana, etc.). Il n’oublie bien sûr pas les sociétés humaines qui sont parvenues à empêcher leur effondrement (Japon, Nouvelle-Guinée, etc.).

©MartineRoffinella.

Chaque chapitre est palpitant – l’on apprend par exemple que l’île de Pâques (et ses statues géantes) était, avant l’effondrement, une « forêt subtropicale constituée de grands arbres et de taillis ». Pour pouvoir « organiser la taille, le transport et l’érection des statues, la société de l’époque devait être complexe et forte de nombreux individus vivant dans un environnement suffisamment riche pour garantir sa survie ».
Qu’est-il donc arrivé à ces milliers de personnes ?

Diamond retrace dans ses moindres détails ce qui a bien pu se produire sur cette île qui fut la seule du Pacifique à voir disparaître tous ses oiseaux terrestres. Déforestation extrême – l’entièreté des arbres a disparu –, surexploitation des ressources conduisant à leur raréfaction (famine, cannibalisme)… l’île de Pâques est l’un des exemples les plus flagrants d’une société « qui a contribué à sa propre destruction ».
Et pour des raisons qu’il faut absolument lire, cet effondrement-là est comme « une vision de ce qui nous guette peut-être ».

La démonstration de Diamond est sans appel, et n’allons pas croire que notre « culture » nous sauvera !
L’effondrement des Mayas, culturellement très avancés, est aussi, parmi les cinq causes précitées, le « fruit des dégâts causés à l’environnement ». Et loin d’être ce supposé « peuple doux et pacifique », souvent idéalisé par nos contemporains, l’on constate qu’en son sein, la « guerre était féroce, chronique, sans merci » !

Pour ma part, j’ai beaucoup appris de l’histoire de la société viking au Groenland, « communautaire, violente, hiérarchique, conservatrice » et finissant par mourir de faim.
Sur place les Inuits, « à l’apogée de centaines d’années d’évolution culturelle », offraient aux Vikings « un exemple de survie ».
Mais ces derniers, se jugeant supérieurs à ces « sauvages » et « païens », refusèrent de le suivre.
Ils disparurent – les Inuits survécurent.
Et nous ?

Jared Diamond : Effondrement, traduit de l’anglais (États-Unis) par Agnès Botz et Jean-Luc Fidel, éd. Gallimard – « Folio essais ».

 

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