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Dominique Collin en cœur à cœur

La lesbienne féministe, écrivaine en liberté que je suis a été fortement impressionnée et hautement réjouie par les trois ouvrages de Dominique Collin : Mettre sa vie en paraboles (éd. Fidélité), Le Christianisme n’existe pas encore et L’Évangile inouï (éd. Salvator).

Le catho-bashing est en vogue sur les réseaux sociaux. Il est de bon ton de traiter les membres de cette communauté chrétienne de « rétrogrades », de « bigots » voire d’« intégristes », de « coincés du cul » et/ou d’« intolérants » – pour ne pas dire, comme lu récemment sur Twitter, de « débiles ».

En tant que « catho débile » et « coincée du cul », j’ai publié, à peu d’intervalle, un essai de théologie J.-C. et moi – Se créer d’amour aux éditions François Bourin, et un roman érotique Lesbian Cougar Story aux très coquines éditions de la Musardine – c’est dire si la perception des chrétiens souffre d’archaïsme !

Pour beaucoup, il semblerait que la sphère des catholiques soit apparentée à une sorte de secte peuplée d’austères naïfs qui croient à la résurrection d’une viande morte ou que des pains et des poissons peuvent être multipliés d’un claquement de doigts, et qu’il suffit de se concentrer bien fort pour marcher sur l’eau.

Fi de ces caricatures !

Concentrons-nous plutôt sur le passionnant travail de Dominique Collin, philosophe et théologien dominicain, qui tombe à point nommé ! Son approche spirituelle suscite la perception d’une « nouveauté de vie » réellement surprenante pour celles et ceux qui aspirent à une fraternité autre que de pacotille, de circonstance ou d’apparat.

Les trois ouvrages de lui que j’ai lus font tous sens ici et maintenant.

©MartineRoffinella.

« Mettre sa vie en paraboles, explique Maurice Bellet dans sa préface au livre qui porte ce titre, est entrer dans ce lieu vivant où toutes choses ont comme cette double épaisseur, qui finalement n’en fait qu’une : d’être profondément et heureusement humaines et là même de témoigner de la présence en nous de Celui qui est au-delà de tout nom. »

C’est aussi « devenir acteur de sa vie ».

Ainsi, nous dit Dominique Collin, la parabole est le « lieu même où toute parole reçoit son baptême et sa possible fécondité » – Jésus s’adressant aux foules ne leur « disait rien sans paraboles ». Il s’agit d’une « parole à hauteur d’homme, disant, avec des mots ordinaires, l’irruption d’une nouveauté de vie » – c’est un « scénario de transformation du monde », un « lien où se nouent la vie, la foi et l’amour ».

Les paraboles « inspirent parce qu’elles respirent avec nous, dans notre réalité proprement humaine, sensible et contingente » – elles deviennent en ce sens « thérapeutiques », car elles mettent « des mots sur les impasses de l’existence, sur les limites qui nous sont imposées ».

Fichtre ! par ces temps de Covid-19 et de restrictions sanitaires, mais lisons donc une parabole chaque soir (ce que personnellement je fais) !

©MartineRoffinella.

Le christianisme dont nous parle Dominique Collin… n’existe pas encore. Il reprend en cela une citation de Kierkegaard et s’interroge sur la « panne de transmission de la parole chrétienne dans le monde actuel ».

En effet, nous « ne savons plus très bien ce qu’est la foi parce que nous l’avons remplacée par un assentiment plus ou moins convaincu à une doctrine ou ce que nous appelons, sans conviction, la spiritualité ou, plus paresseusement encore, la recherche de sens ».

Et de constater que « le christianisme d’appartenance est un prête-nom et un malentendu », nous « cherchons des causes à tout ce qui nous arrive sans comprendre qu’un événement advient toujours sans pourquoi ».

La question est : « l’Évangile peut-il encore être parlant pour quelqu’un ? »

Pour Dominique Collin, il faut rendre possible la « christianité », à savoir une « qualité d’être comme dans humanité ou, de manière plus expressive encore, dans jovialité », et aussi la qualité de celui qui est Christ, c’est-à-dire le style de vie qui permet à « l’Évangile de surgir comme Évangile : puissance de vie bonne capable de nous sauver de nos penchants nihilistes ».

Cette notion de « penchants nihilistes », nous y sommes confrontés de plus belle avec la Covid-19, et « comprendre la christianité, c’est comprendre le christianisme comme expérience de vie vivante ».

©MartineRoffinella.

De la même façon, « l’individu post-moderne ne rencontre plus l’événement de parole mais s’évertue à produire de “l’événementiel”», la parole est « formatée, taillée en “élément de langage”» pour « faire le buzz » : rapportée au christianisme, cette « dégénérescence de la parole » produit le « langage de la bondieuserie », ce qui a pour conséquence de réduire la parole à « l’insignifiance » – et du même coup suscite les moqueries citées en début de chronique.

Dominique Collin pose ainsi le constat que « la parole chrétienne est malade » – « avant elle ne disait rien de bon, maintenant elle ne dit plus rien », ce qui relève vraiment du paradoxe, puisque la vocation du christianisme est précisément d’apporter un « nouveau régime de parole ».

Il nous faut donc cesser de considérer l’Évangile comme notre « produit » rendu plus « présentable » et surtout « conforme à ce que l’être humain peut attendre d’un message de bonheur ».

Dominique Collin souligne ici – idée qui m’a spécialement séduite – la nécessité de « penser que l’Évangile doit être bon pour l’homme en raison même de la déception qu’il engendre », car il nous « fait désirer ce dont notre désir ne se doute même pas » : « c’est parce qu’il laisse à désirer que l’Évangile déçoit ». Il s’agit en fait de « sauver le désir d’un désir sans fin » et « sans faim », « symptôme de notre époque, tiraillée entre boulimie et anorexie ».

©MartineRoffinella.

S’il faut résumer, l’on peut dire que « l’Évangile ne devient une heureuse nouvelle que pour celui qui ose se déprendre de lui-même, celui qui abandonne la sécurité que lui offrent le vraisemblable et le possible, qui ose tourner le dos au moi qu’il est pour oser s’aventurer en direction du soi qu’il pourrait devenir ».

Parallèlement, nous sommes invités à entendre l’Évangile « d’une autre oreille » – entendre « l’inouï » –, la « Bonne Nouvelle » de n’être plus esclaves de notre moi « infantile et régressif » et de « vivre une conversion à la joie ».

Dominique Collin, au gré des trois ouvrages Mettre sa vie en paraboles (éd. Fidélité), Le Christianisme n’existe pas encore et L’Évangile inouï (éd. Salvator), pose une évidence pas toujours facile à admettre : « l’Évangile n’est pas fait pour se raconter des vieilles histoires » mais pour nous permettre de recréer « notre rapport à nous-mêmes ». Pour ce faire, il nous faut apprendre à percevoir le secret du Désir – dans cet « inouï » d’une Vie non vaincue par « l’attraction du rien » et qui n’est pas « bordée par le néant ».

©MartineRoffinella.

Alors pour conclure – ou plutôt pour ouvrir la discussion –, qu’est-ce donc que l’Évangile ?

C’est « la communication de la joie d’exister », la fin du « vouloir être quelqu’un » pour être gracieusement « révélé à nous-même », l’allégresse de sentir le Soi en souffrance « naître à nouveau » – oser « bondir à travers la faille » et « se savoir aimé d’un amour absolument gratuit ».


De Dominique Collin, pour penser un autre christianisme :
  • Mettre sa vie en paraboles, préface de Maurice Bellet, éditions Fidélité, 15,95 euros ;
  • Le Christianisme n’existe pas encore, éditions Salvator, 18 euros ;
  • L’Évangile inouï, éditions Salvator, 18 euros.

 

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