Samuel Paty ne doit pas mourir. Il doit garder toute sa tête car nous avons besoin de lui. Sa tête nous est précieuse. Samuel Paty est professeur. Il enseigne, il transmet, il ouvre des lucarnes. Samuel Paty et sa tête bien faite sont notre fondement. Sans ce qui s’y passe, dans sa tête, sans ce qu’il y a emmagasiné comme savoir, comme mémoire de notre histoire socle de notre devenir, nous serons réduits à l’état de sacs d’organes avec pour seule vocation de beugler. La tête de Samuel Paty c’est le gisement nutritif de notre cerveau. C’est là qu’il vient s’irriguer pour nous scinder de l’état de monstre.
Oh, mais où ai-je précisément la tête ? Ai-je donc oublié que Samuel Paty a été décapité ? Mais que s’est-il passé ? Qui nous a privés de cet homme libre et fraternel ? Pourquoi ? Comment ?
Il y a ce qui a été raconté à propos de cet assassinat et il y a ce qui s’est réellement passé, occulté par lâcheté et par crainte d’être taxé de ceci ou de cela, d’être jeté en pâture sur les réseaux sociaux, ces nouveaux tribunaux populaires où la guillotine va bon train comme au temps de la Terreur.
On a donc accordé crédit à une menteuse qui n’était même pas présente au cours de Samuel Paty, le jour où il a simplement voulu évoquer le chapitre de la liberté d’expression tout en essayant de ménager la sensibilité de certains. C’est là son crime. À ce titre on a reçu des gens qui le traitaient de « voyou », de « raciste », d’« islamophobe ». On a écouté leurs jérémiades outrancières, leur indignation de verges effarouchées. On a laissé le macabre plan d’exécution s’organiser sur Internet et le recrutement d’un assassin officiel, ensuite « fêté comme un héros », s’effectuer publiquement.
Chacun d’entre nous est hélas complice de cette mise à mort et doit donc lire l’enquête minutieuse, remarquablement menée par Stéphane Simon, sur Les derniers jours de Samuel Paty. Elle pique aux yeux car « cette tragédie aurait dû être évitée » et ô combien ! C’est notre devoir d’en prendre connaissance, de saisir enfin notre courage à deux mains à l’instar des éditions Plon qui se sont risquées à la publier. Oui regardons bien en face la solitude de Samuel Paty quelques heures avant sa mort et sa dégradation, sa tête tranchée exhibée fièrement sur les réseaux.
Le cours qu’il a donné, exigeons que chaque année il soit mot pour mot répété par chaque enseignant. Ses phrases de simple bon sens, exigeons qu’elles soient inscrites sur chaque porte de chaque classe de chaque établissement scolaire. Les caricatures, exigeons qu’elles soient intégrées dans chaque manuel scolaire au chapitre de la liberté de penser.
Samuel Paty ne doit pas mourir.
Martine Roffinella
Écrivaine-photographe ; prête-plume.