C’est un ouvrage qui réunit textes et photos à partir d’une image initiale, prise en 1974 à Hyères, où l’on voit un hippocampe pendu à un rétroviseur de voiture. Le petit cheval marin est aussi un organe du cerveau essentiel dans le registre du souvenir. Quant au « miroir avertisseur pour automobiles », il permet de « surveiller la route derrière soi ».
Au commencement était une photo – celle de la couverture du livre – « longtemps oubliée » (entre 1974 et 2014), dont Bernard Plossu pense « qu’on pourrait en faire quelque chose ». Et voici que le résultat est là : c’est « cet objet présent sous vos yeux » ouvrant une « série où on dirait qu’il n’y a rien à voir ».
Aussitôt le lecteur est intrigué.
Quel est ce curieux titre, quelle est cette curieuse photo, cette curieuse façon de décrire la raison d’être du livre, alors même que « l’image est sans sujet », que « l’avenir n’existe pas » et que « tout est passé » ?
Ouvrons donc l’objet, qui est composé pour moitié de textes et d’images.
C’est François Carrassan qui entame la discussion et nous y convie, s’interrogeant sur la façon dont peut se franchir « la porte d’entrée du passé ».
Les deux éléments fondamentaux de la photo de Plossu lancent en quelque sorte le débat : l’hippocampe est un organe du cerveau (dont la forme ressemble au cheval marin, d’où son nom) fondamental dans l’élaboration et la conservation du souvenir.
Le rétroviseur, invention due à Alfred Faucher, permet de voir la route s’éloigner derrière soi tout en « regardant devant soi ».
Le passé s’éloigne-t-il donc « comme la route dans le rétroviseur » ?
Rencontre-t-on l’avenir « en continuant d’aller de l’avant », pour ensuite l’avoir « dans le dos chaque fois qu’on fera demi-tour » ?
De même cette réflexion, spécialement intéressante, sur le fait de « raconter sa vie », sachant que « le passé n’occupe plus ni l’espace ni le temps dont il est sorti en passant », et que la mémoire « constitutive de l’unité du moi » nous « rassure donc sur la réalité de notre personne en éloignant d’elle l’hypothèse de sa fiction ».
Et que dire de l’histoire « avec une majuscule » ? Tourne-t-elle « tout le temps » et « en rond » ? Y a-t-il au bout du compte une « cohérence dans les entrailles des morts » ?
S’appuyant sur des auteurs, des artistes de tous poils et des philosophes (Modiano, Musset, Pascal, Bergson, Schopenhauer, Conche, Jankélévitch, Gainsbourg, Buñuel, etc.), Carrassan constate qu’on « ne retourne pas dans le passé », pas plus qu’on ne « refait sa vie », « s’il est vrai que nul n’échappe à soi-même et à sa destinée ».
Au bout du compte, dans ce précieux ouvrage, François Carrassan réunit donc « un poète, sur la route avant le tournant », un « philosophe, étonné de voir des voitures disparaître au tournant » et se demandant « où finit la route », et un « photographe » qui « fait la photo du tournant ».
Le résultat est un enchantement – que l’on poursuit et ravive en se délectant de la quarantaine d’images de Bernard Plossu que contient L’Hippocampe et le Rétroviseur, pour « suivre des routes qui ne vont précisément nulle part ».
L’Hippocampe et le Rétroviseur, de François Carrassan (textes) et Bernard Plossu (photos), éditions Les Cahiers de l’Égaré, 12 euros.
Madame Martine, bonne journée á Vous ! Aprés que j’ai lu votre compte rendu d’un livre ‘l’Hippocampe et le Retroviseur’- reste autour de mon propre hippocampe un intérét de son soi-méme… Je trouve par Vous décrit ce théme stimulant. Pavel, votre lecteur